Vous l’avez compris, nous incarnons une manière différente de voyager. Nous considérons que le voyage est utile au monde par les échanges et la découverte qu’il permet.
Mais nous regrettons le voyage tel qu’il est conçu aujourd’hui « je prends l’avion, je loue une voiture et je visite ce que me recommande les sites de la première page Google ». Si il permet parfois ces échanges, il dégrade le monde à long-terme : principalement le climat mais aussi la biodiversité (et la situation sociale dans certains pays). Mais on a beau dire a qui veut l’entendre que ce voyage est écologique, encore faut-il le vérifier (spoiler : oui il l’est).
Écologique, ça veut dire quoi ?
« Ecologique » ? Selon Larousse, cela veut dire « relatif à l’écologie ou qui se réclame de cette science » ou « qui respecte l’environnement ». On comprend que ce mot n’a pas de définition précise ou quantifiable.
Alors comment être certain que le voyage l’est davantage ? Qu’il dégrade moins notre maison commune, notre environnement ?
Il faut d’abord distinguer les différentes problématiques environnementales auxquelles nous faisons face : le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution des milieux naturels (l’air, les eaux, les sols) et l’épuisement des ressources. Par simplification, nous nous concentrerons sur le dérèglement climatique. La question devient donc « ce voyage a-t-il des conséquences moins néfastes sur le dérèglement de notre climat ? ».
Comment compte-t-on l’impact sur le climat ?
On connait tous à peu près le prix d’une baguette de pain ou d’un pantalon, mais leur impact sur le climat, quasiment jamais. Pour le déterminer, il existe une méthode : le Bilan Carbone (1). L’idée est simple. Le dérèglement climatique est causé par l’émission de certains gaz dits « à effet de serre » qui agissent comme une couche d’isolant autour de la Terre retenant ainsi la chaleur apportée par les rayons du soleil. Donc pour savoir si quelque chose est bon ou mauvais pour le climat il suffit de compter combien de ces gaz à effet de serre cette chose a émise. Pour plus de détails sur la méthode Bilan Carbone, je vous invite à lire cet article : https://nosgestesclimat.fr/blog/budget
Pour nous, ce bilan carbone s’est résumé à mettre des chiffres sur toutes nos consommations de l’année. Ça nous a d’ailleurs aidé à préparer le voyage !
Par exemple, pour les trains que nous avons pris, il nous a fallu trouver la distance parcourue par le train en question qu’on a multiplié par le « facteur d’émission » des trains dans ce pays. (2)
Résultats du Bilan Carbone de notre voyage
Nous avons donc réalisé le Bilan Carbone de notre voyage en train et à vélo jusqu’au Japon afin de le comparer à :
1) un voyage au Japon conventionnel en avion de 30 jours avec location d’une voiture et nuits dans des hôtels ;
2) à notre vie de tous les jours, sédentaire, en France.
Pour cela, nous avons estimé nos consommations sur les 4 postes principaux du voyage :
1) les déplacements (train, bus, etc.)
2) l’alimentation
3) le matériel (vélo, sacoche, vêtements, etc.)
4) les logements (hôtels, auberges de jeunesse)
Résultats pour notre voyage Rayons d’Orient
Voici ci-dessous les résultats de l’étude pour notre voyage en train et vélo jusqu’au Japon. Les résultats sont présentés par personne et non pour Lucile et moi. Il suffit de multiplier par deux pour avoir le résultat de notre voyage.
Au total, sur l’année 2024, nous émetterons environ 2,9 tonnes de CO2e par personne soit 5,8 tonnes de CO2e pour Lucile et moi (Quentin).
Analysons les choses un peu plus dans le détail.
On constate que même en faisant une bonne partie du voyage à vélo, donc sans émission directe de gaz à effet de serre, les trains et surtout les 2 ferrys que nous devrons prendre pour aller au Japon pèsent lourd dans notre bilan. Le transport représente ainsi 40% de notre bilan carbone. Le logement est le second poste avec les hôtels que nous prenons tous les 4 jours environ, qu’il a fallu construire et surtout chauffer. Ensuite, notre alimentation, même à 80% végétarienne, a un impact relatif car il faut produire cette nourriture et donc utiliser des engrais, des pesticides et du gazole pour les tracteurs. Le matériel est le poste le moins important mais aussi le plus incertain car il était difficile de trouver des facteurs d’émissions pour tout notre matériel, cela représente plus ou moins 40%.
Résultats pour un voyage de 30 jours au Japon en avion
En comparaison, si nous partions sur un voyage classique au Japon de 30 jours en avion avec location d’une voiture et logement à l’hôtel tous les soirs, voici le résultat :
Pour un voyage de seulement 30 jours contre 11 mois pour le nôtre, le total s’élève à 4,3 tonnes de CO2e / personne soit 8,5 tCO2e pour nous deux.
Sans surprise, c’est l’avion aller-retour Paris-Tokyo qui représente 95% de l’impact sur le climat de ce voyage. A lui seul, cet aller-retour Paris-Tokyo, qui représente 3900 kg de CO2, a un impact sur le climat plus important que notre voyage tout compris : transport, alimentation, matériel et logement.
Le reste des postes sont moins importants, en grande partie car ce voyage ne dure que 30 jours et non 11 mois.
Bilan carbone de notre vie sédentaire en France
Enfin, voici notre bilan carbone sur l’année 2023 durant laquelle nous vivions dans une maison de 65 m² à Caen avec une voiture pour deux et une vie sédentaire française moyenne. Ici, pour permettre une bonne comparaison, nous n’avons pas pris en compte les services publics qui nous incombent à tous (gestion de l’eau potable, hôpitaux, armée, etc.). Ils représentent, en France, l’émission de 1,5 tonnes de CO2e par personne qu’il faudrait ajouter aux chiffres ci-dessous pour être exhaustif.
Dans notre vie en France, nous avons émis chacun 4,9 tonnes de CO2e par personne soit 9,8 tCO2e à nous deux (hors services publics). Nous allons donc émettre moins de gaz à effet de serre durant cette année de voyage que dans notre vie sédentaire française.
La répartition est relativement équitable entre notre logement, une maison de 65 m2 à Caen chauffée au gaz, notre alimentation, principalement végétarienne pour Quentin et omnivore pour Lucile, et les transports, avec en ligne de mire nos 10 000 km par an de voiture à essence et un ferry aller-retour pour l’Angleterre.
Il faut savoir que l’empreinte carbone moyenne d’un français est de 9,9 tCO2e/an/personne et 8,4 tCO2e/an/personne sans les services publics. (3)
Par nos efforts pas si considérables dans nos habitudes, nous avons donc déjà réduit notre bilan carbone de 40%.
Conclusions
En conclusion, notre voyage est plus écologique dans le sens où nous émetterons moins de gaz à effet de serre cette année que dans notre vie sédentaire en France ou que si nous avions voyagé 30 jours au Japon en avion.
Les 3 points principaux qui font que ce voyage est plus écologique sont :
- Le fait qu’on ne prenne pas l’avion, le mode de transport ayant le plus gros impact sur le climat ;
- Une alimentation à 80% végétarienne (même si l’Ouzbékistan met cet effort à rude épreuve) ;
- La sobriété qu’impose le voyage à vélo : peu de matériel, dormir en tente, peu de lessives, douches, etc.
Voici un tableau et un graphique qui résume le comparatif de cette étude avec des chiffres :
En kgCO2e par personne | Rayons d’Orient | Japon avion (30 jours) | Vie française 2023 |
Transport | 1 188 | 4 050 | 1 600 |
Alimentation | 565 | 52 | 1 400 |
Matériel | 399 | 25 | 600 |
Logement | 810 | 150 | 1 300 |
TOTAL | 2 962 | 4 277 | 4 900 |
En clair, sur cette année en train et à vélos, nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre de 44% par rapport à un voyage au Japon de 30 jours en avion et de 65% par rapport à notre vie sédentaire française.
N’hésitez plus, voyager à vélo sur un weekend, une semaine, 2 semaines, 1 mois ou plus. Ici on met en avant les bénéfices environnementaux de ce mode de voyage mais même sans ce bénéfice, nous aurions sûrement fait ce choix tant il permet de belles rencontres, une visite approfondie des pays et un sentiment de sobriberté indescriptible.
Cet article est encore un peu technique, ce sera sûrement le dernier. Les prochains seront davantage pratiques et tournés sur le voyage !
N’hésitez pas à commenter, nous questionner et réagir !
Pour ceux qui veulent creuser davantage, voici deux recommandations :
- Faire son Bilan Carbone sur le site Nos Gestes Climat de l’ADEME : https://nosgestesclimat.fr/
- Parcourir notre Bilan Carbone réalisé sur Excel pour l’utiliser pour votre propre voyage ou pour l’améliorer, comprendre, etc : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1bnSKUxveQkmxlF-8Ln2RkRu0n3Tk9lmf/edit?usp=sharing&ouid=106295749684235315890&rtpof=true&sd=true
- ensemble de méthodes permettant de mesurer et de suivre la quantité de gaz à effet de serre (GES) d’une entreprise, d’un projet ou d’un service
- Un facteur d’émission c’est le résultat d’une étude qui établit combien de gaz à effet de serre ont été émis par telle ou telle action. Ainsi, en France, un train TER en qui roule au diesel émet environ 80 grammes de CO2 par km par personne contre environ 2,5 g de CO2 / km / personne pour un TGV.Ainsi, pour connaître l’impact de notre trajet Rennes – Paris, nous multiplions le facteur d’émissions du TGV par la distance parcourue (350 km) : 350 x 2,5 = 875 gCO2e.
- « Empreinte carbone moyenne française », Carbone 4, 2021 : https://www.carbone4.com/analyse-myco2-empreinte-carbone-moyenne-2021
Ping : Guide pratique : traverser l’Europe en train avec son vélo – Rayons d'Orient
Article très intéressant, clair et convainquant ! Merci et bravo à tous les deux 🙂
Hello les copains, merci pour le partage de ce travail qui remet bien les idées en place ! Il aurait été intéressant de voir aussi le résultat pour quelqu’un qui part 6 mois ou 1 an au Japon, mais on se doute bien qu’il doit y avoir un facteur important par rapport à votre voyage, et même par rapport à votre vie sédentaire.
Ca donne envie de faire plus d’efforts chez nous aussi, et de plus regarder le vélo (ou la marche :p) pour les vacances ! Merci à vous deux !!
Merci Tiphaine ! Effectivement pour pouvoir comparer les choses de manière plus objective nous avons choisi de tout ramener à un mois. Sur 1 an, l’impact de l’avion pour le Japon restera le meme mais sera lissé sur l’année. 🙂
Hello les copains, merci pour le partage de ce travail qui remet bien les idées en place ! Il aurait été intéressant de voir aussi le résultat pour quelqu’un qui part 6 mois ou 1 an au Japon, mais on se doute bien qu’il doit y avoir un facteur important par rapport à votre voyage, et même par rapport à votre vie sédentaire.
Ca donne envie de faire plus d’efforts chez nous aussi, et de plus regarder le vélo (ou la marche :p) pour les vacances ! Merci à vous deux !!
Ping : Guide pratique : notre matériel pour un an à vélo – Rayons d'Orient
Merci pour le partage détaillé du bilan ! Question pour l’alimentation : la différence entre 2023 en France et le voyage repose uniquement sur un passage à des repas plus végétariens ou avez-vous pris en compte les différences de BC par rapport aux pays traversés ?
Nous n’avons pas comptabilisé les différences de BC par pays sur l’alimentation. Les différences viennent effectivement de plus de végétarisme dans le prévisionnel. Dans les faits et jusqu’ici au Cambodge nous ne mangeons pas beaucoup moins de viande car l’offre végétarienne est parfois rare et parce qu’on a souhaité goûter à beaucoup de spécialités locales. 🙂
Ping : Traverser l’Eurasie à vélo : un truc de riches ? (Combien ça coûte?) – Rayons d'Orient